Congo-Kinshasa : Les kits d'urgence s'épuisent en même temps que l'espoir pour les survivants de violences sexuelles en RD Congo
Le conflit en République démocratique du Congo (RDC) a précipité une crise humanitaire marquée par une forte augmentation des viols et des violences sexuelles à l'encontre des femmes et des filles. Au début de cette année, lors de la dernière flambée de violence, près de 500 cas de violence sexuelle ont été signalés en une seule semaine, dont plus de 150 concernaient des enfants. Malgré des facteurs aggravants tels que l'insécurité et la peur des représailles, les femmes et les jeunes filles qui parviennent à atteindre les centres de santé après avoir subi des violences sexuelles sont confrontées à un autre défi : les kits de prophylaxie post-exposition (PEP) ne sont plus disponibles. En raison des coupes budgétaires, l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement qui fournissait des kits PEP aux acteurs humanitaires en RDC s'est effondrée, laissant de graves lacunes.
Amadou Bocoum, directeur de CARE RDC, a souligné l'urgence de la situation : "L'utilisation systématique du viol comme arme de guerre n'est pas seulement une violation des droits de l'homme, mais une stratégie délibérée pour déstabiliser les communautés. Les histoires que nous entendons chaque jour sont poignantes. Les femmes et les jeunes filles sont soumises à des atrocités inimaginables, leur vie est à jamais altérée par la violence et les privations. Le manque d'accès aux kits PEP, qui sont essentiels pour prévenir l'infection par le VIH à la suite d'un viol ou d'une agression sexuelle, signifie que les survivants sont privés d'un soutien vital pour éviter des dommages supplémentaires. Cette pénurie survient dans un contexte de réduction importante des financements, ce qui limite l'accès aux kits PEP pour ceux qui en ont le plus besoin".
Cette année, la violence à l'encontre des femmes et des jeunes filles a connu un essor dévastateur. Les rapports indiquent qu'il y a eu plus de 67 000 cas d'agressions sexuelles au cours des seuls quatre premiers mois de 2025, soit une augmentation stupéfiante de 38 % par rapport à la même période de l'année précédente. Ces chiffres ne représentent probablement qu'une fraction des cas réels, en particulier dans les zones reculées. La stigmatisation des victimes de viols et de violences sexuelles est omniprésente, et la peur de l'ostracisme et des représailles au sein des communautés fait que l'ampleur réelle des violences sexuelles reste largement cachée. De nombreuses femmes et jeunes filles sont terrifiées à l'idée de signaler les incidents, craignant non seulement de subir de nouvelles violences de la part des auteurs, mais aussi d'être rejetées par leur propre famille, leur partenaire et leur communauté. Ce silence crée une crise invisible, empêchant les survivants d'accéder au peu de soutien disponible.
L'accès aux structures de soins de santé, déjà limité, a encore été réduit par la situation sécuritaire instable. Les routes sont souvent impraticables en raison des combats actifs et de la présence de combattants. Il est donc périlleux pour les survivants d'atteindre les cliniques dans le délai critique de 72 heures pour l'administration du kit PEP. Ce cauchemar, associé à la pénurie des kits eux-mêmes, crée un obstacle mortel à la prévention, exposant les victimes aux infections sexuellement transmissibles (IST), au VIH et aux grossesses non désirées résultant d'un viol ou d'une agression.
"Je me souviens d'une jeune fille de 14 ans qui a été agressée sexuellement alors qu'elle fuyait son village en raison du conflit. Elle a marché deux jours jusqu'à un centre de santé pour se retrouver face à des étagères vides - pas de kits PEP", raconte Célestine Nabahavu, conseillère du programme national de CARE RDC pour les femmes et les filles. "Sa douleur et sa terreur étaient immenses. Elle a continué à chercher, et a fini par trouver un centre avec des stocks restants. Son épreuve révèle la cruelle réalité que des milliers de femmes et de filles endurent et l'immense courage qu'il leur faut pour survivre. En plus de la douleur physique, elles sont confrontées à la dépression, à l'anxiété, à l'isolement et au rejet. En l'absence d'un soutien médical et psychosocial essentiel, en particulier la PPE, leur souffrance s'aggrave, les rendant vulnérables et oubliées."
“Nous devons agir maintenant pour assurer la fourniture de soins et de protection complets à ces femmes et à ces filles qui bravent tant de choses pour tenter de survivre », a déclaré Amadou Bocoum. "Cela peut se faire en augmentant le financement, qui diminue, ce qui entraîne un manque de kits PEP en quantité suffisante. La communauté internationale ne peut pas fermer les yeux sur cette crise. Une action immédiate et soutenue est nécessaire pour redonner dignité et espoir aux femmes et aux filles de la RDC".
CARE appelle les donateurs et les institutions qui se sont engagés dans le plan de réponse aux besoins humanitaires à donner la priorité à la fourniture de matériel médical, y compris les kits PEP, et à soutenir les initiatives visant à lutter contre la violence sexuelle et à réduire la pauvreté en RDC. L'organisation demande instamment à la communauté internationale de réagir rapidement à cette crise qui s'aggrave afin d'éviter de nouvelles souffrances et pertes de vies humaines.
Cet article a été publié à l'origine sur AllAfrica.